mon père criait parfois « maman », lorsqu’il avait froid, appelant pour de faux sa mère pour faire rire sa fille.
Savait il que dans le noir du seul
Je dis moi aussi maman
Ou papa indifféremment
Quand j’ai froid, et je ne sais pas encore
Comment et si je le dirai
Quand ils seront morts pour de vrai.
Peut être comprendrai je alors
Que mon père ne le disait pas
Ou pas seulement
Pour me faire rire
Mais il en avait besoin
Meme avec femme, fils et fille, besoin.
tellement … ce matin le premier sans elle au jour anniversaire de ma naissance. Je pense à Papa. à mes frères. Milène Tournier tu me fais le plus beau premier cadeau du jour. Merci. à ce soir.
Trouvé les mots de Milène aux environs de 3h03, ce 11.03, alors que la toux les pleurs et d’autres choses rêches me tenaient éveillée depuis près d’une heure déjà. J’ai donc franchi ce cap, comme me l’a dit fiston 3ème du titre hier au moment de l’au revoir du dernier soir de mes 55 années de respiration rires soupirs : « maintenant tu te rapproches à chaque seconde de tes 110 ans » ou « tu es plus proche à chaque seconde de la fin de la deuxième partie de ta vie si tu vis 110 ans » enfin, quelque chose comme ça.
Hier matin fiston 1er en âge me disait lui aussi à peu près la même, mais déjà je ne me rappelle plus la formule, écrire trois mots en efface cinq. La mémoire au fil des souvenirs s’amenuise comme on remonterait le lit d’un torrent qui fût fleuve et ne sera bientôt plus qu’une fragile résurgence au pied d’un mont infranchissable : la mémoire ancestrale reprend stature et dignité, force et puissance et domine le monde que je parcours depuis toutes ces années. Brumes et marécages, plaines fertiles ou forêts épaisses, les paysages alternent et je demeure haletante d’en découvrir chaque jour des recoins inavoués, des embûches vivement esquivées, d’amples rencontres avec l’ailleurs ou l’autre qui émeut comble et fait grandir.
En un an j’en ai pris cinq ou dix ou cent, Maman ne m’appellera pas, Papa se réveillera pour la première fois sans sa tendresse et ses regards comme au premier jour de l’amour qui me porte depuis, cette nostalgie puissante me submerge, mais que faire sinon essuyer cette larme avant qu’elle ne sourde doucement de ma paupière, je suis triste et ça ne sert à rien, mon menton tremble mais personne ne joue plus à la barbichette, ma peau est suturée depuis bien longtemps à l’endroit de la chute dans l’escalier de la rue Chaigneau, tout n’est que vanité à vouloir sans cesse se rappeler, commémorer, se vanter d’un meilleur autrefois ou scander sans rime ni raison les aubes passées qui font litanie et n’ornent plus que des tombes défraîchies.
Il faut vivre et rêver, toujours, mais bon sang que c’est dur sans elle parfois.

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