il fera jour avant que les bougies s’éteignent

Il fera jour avant que les bougies s’éteignent. Un peu de batterie encore sur ce laptop essoufflé par les heures de compta et les tergiversations autour de l’Écrire, le Lire, le Penser, le Dire. J’en profite, non, j’utilise ces quelques nanoparticules d’énergie pour tracer des lettres, encore, laisser ici des signes de ma présence au monde, de ces pensées qui me font une et multiple, de ces gestes et actes mentaux qui s’épuisent parfois en d’indicibles histoires, que faire de ces amas de vies en moi et autour, comment les modeler les amener à prendre forme intelligible, les questions se font de plus en plus lancinantes au fur et à mesure que l’âge et la conscience grignotent leur part de territoire.

Il fera bientôt jour, le ciel déjà se détache des toits en gris clair derrière les masses sombres percées des reflets sur Velux et fenêtres orientées à l’Est. Les bougies tiennent à distance l’obscurité que je scrutais tout à l’heure depuis la chaleur de mes draps. Près de trois heures ont passé, tourné, viré autour de ma tête, fouillant mon cœur de leur herse acérée, cherchant au fin fond du dédale de mes ressentis passés ce qui a bien pu causer, amplifier, camoufler aussi parfois et laisser ressurgir sans cesse ni répit les étonnements, tristesses, colères et lassitude. La tasse de Palestine serrée entre les mains, mais froide puisque plus d’électricité pour y verser le breuvage fumant, ce délicieux objet du quotidien fabriqué là où maintenant il n’y a plus que larmes et gravats, femmes enfants tout humain tout paysage toute âme dévasté·es par les bombes la haine les rêves brisés la désertion des sentiments… Là-bas aussi la disparition, l’effroi, le néant. Là-bas surtout, en fait ! Qui suis-je pour faire un parallèle entre leur chaos et mon petit chamboulement à moi, tout riquiqui de platitude par rapport à leur apocalypse. Bien sûr ici les oiseaux commencent à chanter, depuis déjà quelques minutes je les entends.

Je vais chercher le gaz, le réchaud et recharger une batterie pour me permettre de continuer. Hasta la vista.


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